Durand et Lebreton l'ont encore vérifié hier : on ne
s’échappe pas.
« C'était vraiment l'étape pour tenter ça
», diront Lylian Lebreton et Jacky Durand, exsangues sur la ligne
mais sans l'ombre d'un regret. Sur les routes de l'Est, les deux Français
se sont fait la belle, l'un pour 198 km, l'autre pour 144 km. Mangés
à quatre kilomètres de l'Eden, ils gardent la conviction
que ce jour devait être celui des échappés. Mais les
sprinters sont sans pitié et Jacky Durand achèvera l'étape
avant-dernier, le regard las sur la bagarre finale du peloton.
Sale place pour le coureur de la Lotto, qui avait remporté,
sous les couleurs Castorama, une étape mythique en 1994, après
140 km d'effort solitaire. Cette fois-ci, le cycliste le plus combatif
du Tour 99 s'est arraché au km 80, contre-attaquant inattendu alors
que Lebreton (Big Mat-Auber 93) était parti en éclaireur.
« On aurait pu trouver suicidaire de rouler avec vent
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de face derrière un mec qui comptait sept minutes d'avance.
Mais je me suis mis à rouler comme si j'étais tout seul devant.
» Cette saison, Lylian Lebreton, lui, s'était déjà
échappé deux cents bornes dans le Dauphiné, en compagnie
de Laurent Madouas, qui l'avait coiffé sur le fil, à l'expérience.
L'homme aime ces moments de gloriole où l'on prend de la télé.
Il dit d'abord que l'idée lui est venu sur un coup de tête.
Puis il avoue la préméditation: «J'avais reconnu le
parcours, le tracé était idéal. Mais heureusement
que Jacky est arrivé: j'étais mort. On essaie tous les jours,
mais on n'y arrive pas. Je ne comprends pas pourquoi. » Il évoque
tous ces échappés à la petite semaine. Simon, Maignan,
Morin, Guesdon... Pas mal de Français, tous partis, tous repris.
Jacky Durand tient son explication: « Souvent, dans ces étapes-balade,
il y en a une ou deux plus rugueuses que les autres qui font que les sprinters
ne sont pas sûrs de passer les bosses, que les équipiers s'étouffent.
Si on avait pu monter un talus à quatre cents mètres de l'arrivée...
Là, c'était trop plat.» Le vent de face, hier,n'a pas
aidé les audacieux. Mais même |
jeudi, lorsqu'il soufflait de dos, les sprinters sont revenus en chacals.
Le Mayennais avance un autre argument : la rivalité accrue des sprinters.
Lorsque Cipollini chasse le record, Steels remâche sa revanche et
Zabel bout d'impatience. Du coup, leurs équipiers marchent au fouet.
Ces équipes bâties pour le plat n'ont pas l'esprit romantique.
Elles auront bien le temps de flâner, dès mardi, dans le groupetto
des alpages. Lorsque les organismes auront été sapés,
lorsque Cipollini aura retrouvé son transat, il sera bien temps
de rêver à nouveau. « Si je vais recommencer, s'interroge
Durand. Je n'ai pas encore bien étudié les étapes.
Mais il me semble qu'entre Alpes et Pyrénées, ce pourrait
être un bon moment... »
G
Journal du Dimanche, 11/07/99
L'Equipe, 11/07/99 |