TOUR  DE  FRANCE
     BERGERAC - CAHORS, 11 JUILLET 1994 


Le champion de France, Jacky Durand a signé hier à Cahors la première victoire française de ce Tour.  Et voilà que la montagne se dresse avec la première arrivée au sommet d’Hautacam ! Il ne l'aura pas volée, celle-là, et entre nous, il l'a même bien cherchée! S'il ne portait déjà ce splendide maillot tricolore qu'il n'a quitté que pour une seule journée de course depuis un an, le dimanche 26 juin, à Fontenay-le-Comte, c'est sans conteste que « Dudu » aurait mérité le maillot de la bougeotte... Jacky Durand a déjà beaucoup fait honneur à la patrie depuis le départ de Lille, et certainement, il est celui qui a parcouru le plus grand nombre de kilomètres en tête. L'année dernière aussi, Durand avait su s'y prendre pour “montrer le maillot “, mais il s'agit cette fois d'actions plus pointues, même s'il lui fallut plusieurs coups d'essais avant de réussir, hier, à Cahors, détaché et heureux, son coup de maître. La première fois que l’on vit le maillot bleu, blanc, rouge “déboucher” c'était dans les parages du mont Cassel, dès la deuxième étape, quand il se lança en pleine bagarre dans une longue échappée sur la route de Boulogne-sur-Mer, là où, avant de se faire reprendre par le peloton il serra la main de son compagnon d'effort et d'infortune, le Néo-Zélandais Stephen Swert l'air de dire : «Bon, content de t'avoir connu, mon pote...»
Depuis, il a remis ça très souvent. Juste avant Saint-Hilaire-du- Harcouët, l'autre jour, entre Cherbourg et Rennes, faisant soudain monter l'allure, et c'est donc lui, tout aussi indirectement qu'involontairement, qui a provoqué ou plutôt précipité la perte de Greg LeMond, exécuté sur ce coup de flingue. Mais Jacky Durand est quelqu'un qui remet toujours au lendemain ce qui n'a pas marché la veille, et sa tactique favorite est de prolonger l'accélération provoquée par les sprints intermédiaires, et de gicler juste au moment où les autres se relèvent après la banderole des « bonifs ». C'est ce qu’il a essayé en quittant Rennes en vain. Puis au départ de Poitiers, sans plus de succès. Et c'est encore lui qui a rompu la trêve, le même jour, juste avant que Luc Leblanc ne réussisse son break sur le chemin de Trélissac.

Mais le maillot bleu, blanc, rouge est un peu trop voyant sans doute, pour qu'on lui offre des facilités. On se souvient-on, de son raid fameux du Tour des Flandres et c'est parce qu'il a beaucoup d'insistance, vraiment, qu'il a enfin forcé la décision, hier midi, à peine quittées les dernières maisons de Bergerac... Il n'en gagne pas souvent Durand, mais il sait les choisir. Et s'il ne compte que cinq victoires cela suffit déjà à lui constituer l'un des plus beaux palmarès contemporains parmi les Français : deux titres de champion de France, le Tour des Flandres, le Grand Prix d'lsbergues, et maintenant une étape du Tour... Travail, famille (il s'est marié au lendemain du Championnat de France), patrie, Jacky Durand incarne décidément les valeurs traditionnelles, et, grâce à lui, les Français sont sûrs de ne pas rentrer bredouilles. Notre porte - drapeau a même déjà permis d'égaliser le faible score de l'an dernier, quand Pascal Lino avait sauvé l'honneur à Perpignan, et c'est déjà ça !
 Les quatre « matinaux », Durand, Hodge, Serpellini et, bien sûr, Bortolami avaient, quant à eux, équitablement partagé le boulot, et ce fut un manque de chance pour Bortolami de casser un rayon à moins de dix kilomètres de l'arrivée, laissant filer ses trois compagnons. Et il ne fallut pas le dire deux fois à Durand, qui y alla de bon cœur à huit kilomètres du but pour aller jubiler en solitaire sur la ligne. Les Casto la méritaient bien, parce qu'ils sont allés de l'avant depuis dix jours, et ils n'étaient nullement en colère, hier soir, de voir De Las Cuevas céder la troisième place du général à ce remuant de Bortolami, sa seule consolation d'ailleurs. Les partenaires de Durand passèrent une excellente journée (sauf Thibout et Marie qui chutèrent) en spectateurs dans la roue des Banesto, et c'est exactement ce dont rêve Cyrille Guimard pour Armand...
                                                                                                                                                      L'Equipe                   G
 
 
Echappé dès le huitième kilomètre, Jacky est parti en flèche pour remporter l’étape. Dans la vie aussi, le bonhomme est singulier, façonné à l’ancienne. 
Quand il ôta son maillot bleu-blanc-rouge trempé de sueur pour revêtir un tricot de corps de coton blanc, Jacky Durand le playboy redevint un coureur à l'ancienne mode. Dans cet échange de peau, Jacky retrouva aussi son prénom populaire, Dudu, allez Dudu ! Comme Poupou en son temps. Acclamé au fil des routes, encouragé tout au long de l'étape, ce Dudu des campagnes s'éclata sur la ligne d'arrivée comme il s’était déchaîné en vélo toute la journée, bien à sa façon, généreuse et fantasque. Hier, Dudu a fêté seize jours fous, fous, fous entamés le dimanche 26 juin avec son deuxième titre de champion de

France, poursuivis le lendemain lundi par son mariage avec Laurence, relancés le 2 juillet, date de l'ouverture du Tour et sublimés hier par la cinquième victoire de sa carrière. Depuis le retour du Tour en France « le Championnat, le mariage, les télés, la presse... J'étais crevé les cinq premiers jours», Durand a retrouvé son panache. L'Angleterre l'a laissé froid : « Moic'est le fait d'être Français en France qui me motive », mais la France le transcende. Alors il court, il incendie le peloton et tant pis si sa flamme finit par s'éteindre. Comme il connaît par cœur ces petits chemins qui sentent bon la noisette, il s'autorise toutes les audaces et annonce la couleur d’ ailleurs chaque matin au micro de Daniel Mangeas. Au lendemain de son titre de champion de France, il avait déjà claironné : « Mon rêve est de remporter une étape du Tour avec le maillot tricolore sur le   dos. »
Car ici, en ce pays d'Ouest, Jacky Durand se sent chez lui : « Le final de Cherbourg-Rennes ? J'connais car j'ai habité pas loin de Rennes. Rennes-Poitiers ? C'étaient mes routes d'entraînement. Poitiers, c'est pas très loin de chez moi maintenant à Saint-Laurent-sur-Gorre près de Limoges. Trélissac, ce sont mes routes d'entraînement actuelles et Cahors... heu j'connaissais pas Cahors mais c'est le relief du Limousin qui m'est familier et le final me convenait à merveille. » Alors Durand n'hésite pas à rempiler dans le genre échappée solitaire. Cent fois sur le métier tu remettras l'ouvrage, lui ont répété ses parents, éleveurs en Mayenne. Deuxième étape Roubaix-Boulogne: il roule 104 kilomètres devant, avec Stephen Swert, le Néo-Zélandais, et quand l'échappée avorte, qu'il lui serre la main, ce n'est surtout pas de découragement.

Sixième étape, Durand repart en goguette: il fait 20 kilomètres à la tête d'un groupe échappé puis 12 kilomètres tout seul. Et puis encore sur la huitième étape Poitiers-Trelissac, il engrange 10 kilomètres seul plus deux kilomètres en tête-à-tête avec Peter De Clercq. Hier encore, quand Durand attaque au km 8, c'est parti pour 152,5 kilomètres aux avant-postes. Faites les comptes : depuis le 2 juillet, Durand s'est baladé devant 500,5 kilomètres durant. La bête est solide.
Cyrille Guimard, le directeur sportif des Castorama, au four et au moulin toute la journée, en queue de peloton quand Thibout, Marie, Madouas chutent, puis sur le devant de la course à 15 kilomètres de l'arrivée, ne le décrit pas autrement. La force de Durand ? « C'est un garçon qui ne se pose pas de questions, qui attaque, qui se dit : tant pis si ça revient, on réessayera  demain. » Guimard avait laissé les consignes: « C'était la dernière étape que Jacky pouvait gagner. Et toute l'équipe pouvait se battre avec lui, De Las Cuevas, Desbiens Simon, ou même Magnien. On était prêt à jouer tous les coups. C'est Durand qui a été le meilleur. » Généreux de style, Durand signe ses courses de la même griffe. Guimard explique: « Toutes ses victoires, Jacky les a obtenues comme celle-là, hormis le dernier titre de champion de France où il a préféré attendre le dernier moment.» Sa victoire d'lsbergues en 1991, la première de sa jeune carrière — il avait vingt-quatre ans — et puis la magnifique conquête du Tour des Flandres où Jacky s'échappa à plus de 200 kilomètres de l'arrivée, se ressemblent. La ligne droite de Meerbek restera toujours son plus beau souvenir. Hier encore, il reconnut ne pas trembler du même bonheur qu'en 1992. 
« Cette victoire ne sera jamais plus belle que le Tour des Flandres. C'était la première. Je savais que j'étais capable de gagner une étape du Tour alors que le Tour des Flandres, je ne me vois toujours pas le gagner. D'ailleurs, je me demande toujours comment j'ai fait pour le gagner ! » Si la victoire d'étape n'émouvait pas plus que ça Jacky, en revanche, elle contentera la France et avec elle, ceux qui attendaient un sursaut des tricolores : « On n'avait pas encore décroché de victoire d'étape mais on nous a vus en tête, les Français, expliqua Durand. Vous savez, ce n'est pas aussi facile qu'il y a 2 ans, on est moins de tricolores au départ et, sur le plat, on est limité. Vous retirez la dizaine qui jouent la montagne et le général, il ne reste plus un gros pourcentage sur le plat. » Hardi de style, culotté sur le vélo, Jacky part aussi en échappée dans la vie, joyeux drille et gai luron. « C’est un fêtard, un amuseur », dit Guimard, qui « pourrait faire du show-biz parce qu'il sait chanter, imiter et raconter des histoires drôles ». Jacky soupire : « Les coureurs sont plutôt tristes, je trouve ça dommage. » Lui, en revanche, s'offrira volontiers une bonne bière, ou deux ou trois, jugera nécessaire d'arrêter l'hiver pour faire la bringue et choisira « de faire le métier juste et seulement quand il faut. » Voilà Durand, ce serait peut-être un personnage flamboyant à la Roger Hassenforder, l'Alsacien excentrique des années 60. Un de ces ancien qu'on aimait pour leur immense panache et leur joie de vivre. Un ancien, façon tricot de corps de coton blanc... 
                                                                                                                                                                                                            L'Equipe                          G


 
Première victoire française dans le Tour, hier à Cahors, avec le champion national Jacky Durand. Le porteur du maillot bleu-blanc-rouge a porté une splendide attaque à proximité de l'arrivée pour l'emporter en solitaire après avoir été le principal animateur d'une longue échappée. 
 
 
 
 

                                                       Ouest France               G


 
 
Dudu gagne à la Durand

Une victoire à la Durand. Pas dans le style du championnat de France, en Vendée, où le Mayennais avait «giclé » à 200 m de la ligne. Mais à l'issue d'une échappée de 152 km à travers les causses sauvages et somptueuse du Quercy. On la pressentait cette première victoire française dans le Tour. Qu'elle ait été l'œuvre d'un Castorama n'étonnera personne. Façonnée label Durand encore moins. 
 «Prémédité, un coup pareil ? Vous plaisantez I J'étais en queue de peloton et m'apprêtais à le remonter. Nous nous sommes retrouvés à neuf puis à quatre, tout s'est aussitôt enchaîné. La suite vous la connaissez…» Jacky Durand est un garçon qui décidément tient ses promesses. Il avait évoqué, alors qu'il enfilait, en Vendée, son maillot de champion de France, l'idée de s'illustrer sur le Tour avec le paletot tricolore au moment du 14 juillet. 
C'est un peu avant l'heure que ce garçon qui commence à se forger un joli palmarès, a mis en ébullition le merveilleux public cadurcien. Par son état d'esprit, sa simplicité et son énorme franchise, l'enfant de Ballots fait l'unanimité. « Je suis heureux, follement heureux, mais cette victoire ne m'empêchera pas d'affirmer que c'est toujours mon succès dans le Tour des Flandres, il y a deux ans, qui demeure en tête de mon hit parade. Franchement, je ne me vois pas gagner La Ronde une nouvelle fois. » Ne croyez pas que le champion de France n'a pas savouré, comme il se doit. Cyrille Guimard qui passa l'essentiel de son temps à l'arrière du paquet, en raison des chutes dont furent victimes Thibout puis Marie et Madouas, n'y croyait pourtant que modérément quand il rejoignit son champion dans le final: « Je croyais que les trois coureurs en contre allaient revenir et au sprint Bortolami était intrinsèquement le plus rapide. Mais décidément notre «Dudu » national est très tort dans ce type d'arrivée. » Le vainqueur de l'étape trouva aussi un final qui lui convenait à merveille, révélant qu'il ne croyait pas le parcours de l'étape aussi difficile: «Ce sont des routes qui correspondent à celles du Limousin où je m'entraîne désormais. En fait, durant toute l'étape j'étais au maximum et je n'ai jamais faibli. Quand je me suis relâché dans les deux derniers kilomètres, l'essentiel était assuré. » Il y a 21 ans qu'un coureur vêtu du maillot tricolore n'avait franchi en vainqueur la ligne d'arrivée d'une étape du Tour (exception faite de parcours chronométrés). Hier dans le Quercy, Jacky Durand, dans son style caractéristique de baroudeur, a donné raison aux aventuriers. 
Cette race là, le Tour l'aime. 
                                 Ouest-France

Avec un coeur gros comme ça !

Personnage entier et coureur sans retenue, Dudu est un de ces champions à l’ancienne, comme le public les aime toujours. Calculateur, lui ? Jamais. 
Hier soir, du côté de Ballots, village du fin fond de la Mayenne aux portes de la Bretagne, le champagne a coulé à flots. Chez Henri et Colette Durand, éleveurs, il y avait sûrement un peu de cidre, et aussi une petite gnôle vieille de quelques dizaines d'années, celle que l'on ressort pour les grands événements qui se produisent maintenant à répétition dans la famille entre mariage et victoires et pour les fêtes hivernales. Ce ne sera pas triste, en novembre prochain, dans le sud-ouest du département, quand il s'agira de fêter tout à la fois la fin de carrière des frères Madiot et le titre de champion de France de Jacky Durand assorti de la victoire à Cahors. Sylvain Prodhomme, son ami d'entraînement du temps où il était junior, devra encore refuser du monde au banquet annuel du club des supporters qu'il préside. Là, Jacky sera généreux comme d'habitude. Il aura un sourire pour chaque invité, un bon mot pour chaque fan, un encouragement pour les enfants et un immense remerciement collectif au micro. Car il sait, Jacky, qu'il y a beaucoup de gens derrière lui quand il se lance dans une de ses attaques au long cours, irréfléchies mais tellement le reflet de sa bonté, 180 km au Grand Prix d'lsbergues 1991, 220 km dans le Tour des Flandres 1992, 150 km au championnat de France 1993. Mais les passionnés de vélo l'aiment autant quand il sort la surprise du chef, le final d'enfer de son championnat de France du mois dernier. Il y a aussi en lui de la malice et de l'inspiration subite. Dans ce monde de calculateurs aux yeux rivés sur leurs pulsemètres, Durand dénote. Il enflamme la course, qu'importe le profil de l'étape ou de la classique, pourvu qu'au bout, il y ait l'ivresse. Il n'est pas un grimpeur, guère plus un sprinter, mais mieux encore, un coureur sans complexe, baroudeur comme les campagnes en sortaient par dizaines dans les temps anciens, un champion qui fait vibrer, met tout son coeur dans son ouvrage, et en plus, une fois descendu de vélo ou pas encore monté dessus, au Tour de France ou dans les critérium, il va au contact de la population. « Dudu » communie avec foule, communique avec les gens,  proches ou inconnus. C'est bien des hommes de sa trempe dont le cyclisme a besoin. 
                                                 G


 
 
  Durand hisse les couleurs

Première victoire française sur le Tour grâce  au champion de France Jacky Durand à Cahors. On la sentait venir depuis plusieurs jours, cette première victoire française. Le 14 juillet approchait et il y avait urgence, car un Tour sans cocoricos n'est pas un bon Tour, c'est bien connu. Mais de tous, c'est bien Jacky Durand qui méritait le plus cette consécration. Combien de fois a-t-il attaqué, le double champion de France, depuis le départ de Lille ? « Quinze à vingt fois, peut-être. Il m'est arrivé de prendre 1,50 m d’avance, ou 10 mètres, ou 800. A force, tout le monde me surveillait et si j'avais l'habitude d’annoncer à mes coéquipiers où j'allais partir, je n'en savais rien aujourd'hui. » Comme au championnat de France de Fontenay-le-Comte, Jacky Durand se trouvait un peu à la traîne quand son habituelle envie de « flinguer » le saisit: « J’ai remonté le peloton qui était très étiré et j'ai attaqué aussi sec. » Le départ avait à peine été donné. Déjà dimanche, au début de l’étape de Trélissac, il avait pris la tangente au 12° kilomètre, avant de récidiver non loin de chez lui, en Haute Vienne, mais sans réussite. En vélo, il suffit souvent de persévérer. Et l'on sait, depuis le Tour des Flandres 1992 (220 bornes) et le championnat de France de Châtellerault 1993 (160 km), que Jacky Durand n'a pas son pareil pour tirer parti des longues échappées. Ses compagnons d'hier, les Italiens Bortolami et Serpellini et l'Australien Hodge, n'ont pas été plus heureux que les autres accompagnateurs de cet increvable opportuniste. Depuis Bernard Thévenet à Méribel en 1973, aucun Français n'avait franchi une ligne d'arrivée du Tour avec le maillot tricolore, Hinault en 1978 et Fignon en 1984 ayant gagné des chronos. Hier, le Mayennais appliqua sa tactique du Tour des Flandres mais le Bosberg où il avait piégé Wegmuller était un village du Quercy, Lamagdelaine, à 8 km de Cahors. En pareille occurrence, c'est souvent le premier à agir qui empoche la mise, car derrière, on se regarde toujours un tantinet. Mais la crevaison du vainqueur de Rennes, Gianluca Bortolami, 2 km plus tôt, fut un élément tout aussi décisif. 
                                                                                  L'Equipe


 
 
 

      G


 

Jacky Durand ouvre le bal

Le champion de France Jacky Durand a signé hier,  en
costaud , la première victoire d'un Tricolore dans ce Tour 1994. Il n'a pas que le maillot tricolore de champion de France sur les endosses, il trimballe aussi la pancarte, de premier attaquant du Tour. « Je ne sais plus combien de fois j'ai attaqué, dit Jacky Durand, entre dix ou vingt fois. Parfois je prenais un mètre cinquante avant d’être repris, parfois dix mètres. » Le boute-en-train patenté du peloton n'est pas du genre qui se décourage, il a remis ça jusqu'à ce que ça rigole. Et ça s’est produit hier à Cahors,
dernière étape offerte aux rouleurs avant la montagne. C'est une victoire qui ne manque pas de panache : Durand a attaqué dès le km 8, rejoint par Bortolami, Hodge et Serpelini. Il a pris plus que sa part de l’échappée, pendant 140 bornes. Puis il a planté son monde, à l'entrée de La Magdelaine, à huit kilomètres de l’arrivée. Il gagne détaché de 55 secondes, avouant qu'il en avait
encore « sous la pédale ». « Il n'y avait pas d’étape de 14 Juillet pour le champion de France  ( journée de repos demain à Lourdes), il a donc pris 48 heures d’avance», rigole son directeur sportif Cyrille Guimard. Ce porteur du maillot tricolore est presque trop parfait, qui claque une étape l’avant-veille de la Fête nationale après avoir traîné sa peine en terre étrangère chez les Anglais. Jacky Durand dément. S’il n’a pas gagné plus tôt, ce n'est pas faute d’avoir essayé. Et s'il s'est senti peu concerné par le Passage du Tour outre -Manche, c'est seulement queça ne 
ressemblait plus au Tour de France. « C’est comme lorsqu'on passe en Espagne, j'ai toujours l’impression de disputer le Tour d'Espagne... » Durand n'est pas un fétichiste du bleu-blanc-rouge, qu'il s'était déjà habitué à porter la saison passée. A ses yeux, ce maillot est surtout un signe de reconnaissance. « 50 ou 60 % du public sur le bord des routes ne connaissent rien du vélo, si ce n'est quelque noms. Maintenant, j'en fais partie, on cherche le maillot tricolore dans le peloton, comme on cherche celui de champion du monde. » Même après deux titres de champion de France consécutifs, il considère toujours que sa plus belle victoire reste celle du Tour des Flandres, en 1992. Parce qu'il a gagné une course mythique au pays de ces rouleurs flahutes dont il partage le goût pour une bière fraîche après l’effort. « Ça n'a pas l’air de leur faire de mal, et l’eau est un peu fade, non ? » Parce que, dit-il lucidement, «c'est ma première victoire dans une classique de Coupe du monde, et je ne crois pas être de ceux qui en gagnent dix dans une  vie...». Allez vous étonner qu'après le succès de ce coureur franc comme le bon pain, un Jean - Claude Colotti déclare hier: « C’est un super gars dans le peloton, très méritant, je suis ravi pour lui ».
                                                                                                                                                           Le Parisien             G
 
                Causent-ils chiffon ?

La tradition voulait que les premiers kilomètres de l'étape soient un terrain privilégié pour les conversations au sein du peloton. Tradition en voie de disparition selon Jacky Durand, le champion de France : 
“Sur le Tour, on a de moins en moins le temps de parler au départ, du fait de la tension. A une certaine époque on pouvait encore discuter pendant les cinquante premiers kilomètres. Maintenant, on ne sait jamais ce qui peut se passer. Par exemple, aujourd'hui, lendemain du contre-la-montre, on parlera de la performance d'lndurain. Sinon, on évoque la région quand l'un d'entre nous passe par chez lui, la famille, ce qu'on va faire l'hiver prochain. C'est l'histoire de trente secondes, une minute, comme ça au gré des rencontres car, dans une peloton de deux cents coureurs, on ne peut pas chercher quelqu'un en particulier. C'est l'occasion de la place qui fait qu'on discute. Parfois, on parle plus au village départ, puisque on a du mal à s'y concentrer. La presse est aussi un sujet de conversation. Sans trop la lire, on la parcourt. On n'a pas le temps de tout lire chacun regarde son quotidien régional et l'incontournable Equipe. Certains articles font plus ou moins plaisir. Quelquefois, on ne retrouve pas ce que l'on a dit : si les mots y sont, la forme n'y est pas. Pour la fête, les chansons, c'est pareil, ça se fait de moins en moins, sauf le dernier jour, on sait qu'il y a 150 kilomètres tranquilles. C'est un accord sans en être un. 
                                                             L'Equipe        G

                      Tri-co-lore
A l'attaque depuis le début du Tour, les Français décrochent 
enfin un succès d'étape. Jacky Durand s'est imposé en solitaire. 
Pas de répit. On s'attendait à une 10° étape de transition. Les coureurs nous ont une nouvelle fois offert une journée TGV. Coincée entre l’exigeant contre-la-montre de lundi et la première journée de montagne, l'étape Bergerac-Cahors semblait toute consacrée à l'appétit des sprinters. 
Raté. Le Tour a conservé le rythme fou adopté depuis Lille par la grâce de Bortolami qui plaçait une mine dès le départ. Quatrième au général après un excellent contre-la-montre, l'équipier de Rominger espérait tout à la fois contraindre les Banesto à contrôler l'épreuve et ... s'emparer du maillot jaune qui lui avait échappé pour une malheureuse seconde à Rennes. Recevant rapidement l'appui de Jacky Durand, Stephen Hodge et Marco Serpellini, il put croire un moment à ses chances. Mais les équipiers de Miguel Indurain ne le laissèrent pas rêver longtemps. Sans paniquer, ils maîtrisèrent simplement les écarts pour que la course ne s’emballe pas. Le quatuor était bon pour une longue fugue... sans espoir. C'était du moins l'avis de Bortolami. A une dizaine de kilomètres de l'arrivée, l'Italien prit le temps de changer de machine convaincu que le peloton allait fondre sur l'échappée. Durand, lui, pensait exactement le contraire. Ave 2'35" d'avance, le coup restait jouable. Alors, il sortit du groupe comme un boulet de canon pou foncer vers Cahors. 
Bien vu. Serpellini et Hodge n'en pouvaient plus. Le Champion de France se retournait sans cesse. Pour rien. Il avait fait le vide et quand il déboucha dans la dernière ligne droite, il put prendre le temps d'envoyer mille baisers au public. La France la tenait enfin, sa victoire d'étape.                                     Cyclisme International
                                                                                                                                                                               G
 
La tête cernée d’un bandeau Casto et le corps moulé dans un nouveau maillot tricolore, Jacky Durand a embrassé sa médaille de champion de France de cyclisme sur route pour faire plaisir aux photographes. Puis il a commencé à raconter sa course aux journalistes. 
« Ben oui, moi qui suis le spécialiste des grandes chevauchées de cent kilomètres ou plus, j'ai gagné par surprise dans les derniers hectomètres !» Et d'ajouter, en pensant à une possible troisième victoire: «Au fait, c'est où le championnat de France, l'an prochain ? » Cette année, c'était en juin  à Fontenay - le -
Comte. Depuis, Durand a remporté à Cahors une étape du Tour de France et, plus encore,  l’estime du public... avant de devoir hélas abandonner, comme nombre de coureurs dans ce Tour infernal. Au début, Dudu, né il y a vingt sept ans en Mayenne comme les frères Madiot est un coureur comme les autres. Sauf qu'il a une verve de chansonnier, des dons d’imitations formidables et qu’il aime faire la fête, dixit Cyrille Guimard, son patron de course. Il est capable de faire du show-biz tant il est à l'aise pour chanter, raconter des histoires drôles et se démener sur les planches. Bref c'est un joyeux drille, un amuseur et un gars qui ne se laisse pas impressionner par les caméras de télé. Il a la faconde et le côté cabot qu'il faut. Peut être se fait - il rire lui-même au cours de ses longues échappées...
Mais Jacky Durand n'est pas que cela. Derrière l'apparence du flambeur, il y a un authentique champion qui s'enrôle dans la bande à Guimard pour jouer les porteurs d'eau et qui s'avère être, quand il le faut, une formule 1. A la surprise générale, il gagne le Tour des Flandres en 1992 après une course folle et solitaire de 190 kilomètres. Même motif, même sanction, il enlève ensuite le championnat de France à Chatellerault. Guimard n’a plus le droit d’en douter : il tient un vrai coureur de race. Un an après, Jacky récidive à Fontenay le Comte : deuxième Marseillaise, deuxième maillot tricolore. Mais, cette fois, il rompt avec la tradition de la chevauchée solitaire: il remporte son succès dans le dernier kilomètre, en propulsant son mètre quatre-vingt-six à fond sur les pédales. Il montre ainsi qu'il a non seulement de la persévérance mais qu'il sait varier son registre, qu'il a du feeling et un sens tactique comme pas un, ajoutés à une fidélité de cocker. Depuis 1980, il ne connaît en effet qu’une équipe et un patron, Cyrille Guimard. La seule infidélité qu’il ait commise, finalement, c’est envers la Mayenne. Né à Ballots, il a découvert le cyclisme à travers le pays du sud-mayennais, il a commencé à souffrir sur un vélo, puis à gagner ses premières courses pour le compte du cycloclub renazéen en rêvant d'imiter les frères Madiot, eux aussi Mayennais... Mais l'appel du Limousin, avec ses forêts et ses routes pentues, se fait sentir. Il s'y installe à cause de Laurence. Il tombe amoureux et dit adieu à Ballots et Renazé sans oublier, la famille et les amis qui suivent ses exploits. Le mariage a lieu en juillet entre le championnat de France et le début du Tour ! Tout naturellement, la mariée se retrouve en tricolore. Mais Jacky n’a guère le loisir de roucouler. Il a tout juste le temps de dire "oui" au maire de Saint-Laurent-sur-Gorre, de préparer son paquetage et de sauter sur son vélo pour le Tour de France. Le cadeau de noces ?  ll y pense. Il arrive dix jours après le mariage sous la forme d'une victoire d'étape à Cahors. C'est à nouveau les honneurs, les interviews et le champagne. Il n’a plus qu’à s’enquérir des horaires de la Poste pour envoyer à Laurence son bouquet de fleurs du vainqueur.
                                                                                                                                                  journal des Pays-de-la-Loire   G
 
 

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