TOUR  DE  FRANCE
 

Des attaques, des attaques, des attaques... et de belles images


 
Echappé. Habitué des coups de force, Jacky Durand a fait partie de la première grande échappée du Tour. De quoi vite oublier son éviction de l'édition précédente.
Un vrai ciel de Toussaint. Des nuages couleur acier qui se baladent dans le ciel et, sur le bord de la route, des milliers d'lrlandais. Le Tour a pris son envol loin de l'Hexagone et tout un peuple lui a rendu hommage.  “Vous savez, nous, on n'organisera jamais un Grand Prix de formule 1 ou la Coupe du monde de football. Alors, le Tour de France, c'est le plus grand événement que nous n'accueillerons jamais" nous avait glissé dans un sourire un Dublinois. Aussi,  è
dans chaque village, bien alignés, la peau claire et la fierté en étendard, la Grande Boucle fut fêtée comme une offrande à leur pays.
“On n'a pas vraiment pu en profiter, lâchait après la course Pascal Chanteur, le coureur de Casino. Le peloton est nerveux et il faut faire attention.“ Son coéquipier Jacky Durand, lui, a eu le temps de voir le vert-blanc-orange de l'Eire mêlé au bleu-blanc-rouge français. Le Lavallois, dès le kilomètre 66, était l'un des sept membres de la première échappée sérieuse du Tour 98. Avec Zanini, Voigt, Van Hyfte, Crepaldi, Benitez et De Los Angeles, Jacky 

sortit du rang. Parce que c'est dans la nature de cet éternel guerrier mais, aussi, pour effacer définitivement un an de purgatoire. Écarté du Tour 97 par Vincent Lavenu, "Dudu" avait trainé sa misère durant un mois. "J'ai l'impression que ça fait cinq ans que je n'ai pas fait le Tour. Un an sans y être, c'est une année de trop. Avec Vincent (Lavenu), on s'est expliqué. Maintenant, il me connaît mieux". Pourtant, cette fois, il était peut-être encore plus difficile de forcer le passage dans une formation Casino euphorique. “L'an passé, j'étais persuadé d'être dans l'équipe. Ce coup-ci, c'était moins évident.” Aussi lorsqu'il se retrouva aux avant-postes, l'ancien vainqueur du Tour des Flandres savoura son bonheur. "Ce n'était pas prémédité. Mais tout le monde était calme et j'avais de bonnes jambes. Moi çe n'est pas dans les Alpes ou les Pyrénées que je peux attaquer." Durand essaya même d'aller au bout en compagnie de Van Hyfte. En vain. Les sprinteurs gardent jalousement le monopole sur la première semaine du Tour et lorsque leurs équipes prennent les choses en main, les plus hardis mettent leurs ambitions en berne. "Il n'y avait rien à faire" regrette le Mayennais. Si ce n'est, aujourd'hui, partir de nouveau à l'abordage.
                                                                                                                                                                                                                        Le Parisien, 13/07/98 G
 
                G Il n’était pas inspiré par le départ du Tour hors de France. Il n’empêche que les superbes paysages boisés des Wicklow Mountains ne l’ont pas laissé indifférent. Jacky Durand y a cru jusqu’à une vingtaine de kilomètres de l’arrivée. Le Mayennais a réussi son retour dans le Tour.
Jacky Durand n'avait que moyennement apprécié sa mise à l’écart l'an passé. Le Mayennais n’est pas rancunier. Plutôt revanchard. Il n'a pas attendu longtemps pour manifester son excellente condition du moment et justifier le bon choix de Vincent Lavenu, son directeur sportif. “ C’est vrai que  j'avais faim (sic), et une très grosse envie d'être présent sur ce Tour. Je ne voulais pas attendre  plus longtemps pour me montrer. Cela pourrait me sourire prochainement.”
Le Mayennais lança l'échappée des sept, s’octroya le dernier sprint de bonification avant de tenter le tout pour le tout avec le Belge Paul Van Hyfte et de se relever à une vingtaine de kilomètres de Phoenix-park, le bois de Boulogne de Dublin. Le vent de face et les interminables lignes droites du final avaient eu raison du généreux attaquant. "Mais je reste lucide. Dans une première étape du Tour, c'est le genre de coup qui réussit une fois sur cent. "
Le combatif de l'étape reste décidément un fieffé cachottier. " Je m'étonne que l'on doive présenter six fois son passeport pour prendre un départ du Tour ", nous avait-il déclaré, l'avant-veille. Jacky Durand avait, sans nul doute, parfaitement caché son jeu. Vainqueur d'une étape à Cahors en 1994, il avait endossé le maillot jaune, l'année suivante, à l'issue du désormais fameux prologue humide de Saint-Brieuc. Cette saison, le Mayennais devrait pouvoir rebondir intelligemment. Confortablement calé à la 12° place du général, à 10 secondes de Chris Boardman, il nous étonnerait que cet ex-vainqueur du Tour des Flandres en 1992 ne joue pas les récidivistes. D'autant plus qu'au sein de cette équipe Casino qui a joué les "cannibales" en début de saison, chacun a parfaitement enregistré son rôle et que jusqu'à présent il n'y a pas eu le moindre couac dans la partition.
Ce n'est pas Benoit Salmon, coéquipier du Mayennais, qui nous dira le contraire. "Des garçons comme Dudu, à vos côtés, vous insufflent un sacré moral. Pour ma part, j'attend mon heure qui devrait sonner vers les Pyrénées. Je vais essayer de perdre le moins de temps jusque là. Ensuite, pourquoi ne pas viser une place au classement général. " Hier le Mayennais et le Breton ont terminé dans le temps de Steels. Le contrat est rempli.                                                             Ouest France, 13/07/98

 
 
Jacky Durand et Damien Nazon, le baroudeur et le sprinter, ont réalisé une échappée de 117 kilomètres. Si l’escapade, logiquement, n’a pas duré, 
les deux hommes ont su tout de même créé la surprise. L'un est un habitué de la chose, un forcené de l'échappée, un enragé de la poudre d'escampette. L'autre serait plutôt du genre costaud des sprints, qui attend les derniers hectomètres pour surgir de sa boîte et lever les bras. Pourtant, hier, sur les longues routes ventées entre Plouay et Cholet, Jacky Durand et Damien Nazon se sont trouvés des atomes crochus pour une belle aventure de 117 kilomètres qui s'acheva, malheureusement pour eux, un peu en queue de poisson. "Ce matin, nous ne devions pas attaquer mais défendre le Maillot Jaune de Bo Hamburger, explique Durand, qui a consolidé à   è
l’occasion son dossard rouge de la cornbativité. Quand j'ai vu que O'Grady avait pris les bonifications, j'ai retrouvé ma position da coureur-attaqueur. Je suis allé auprés d'un ou deux coureurs en queue de peloton pour voir s'ils voulaient se lancer dans cette aventure. J'ai trouvé Damien, et vogue la galère ! "
Les deux hommes partaient donc à l'assaut la fleur au fusil, se relayant parfaitement et trouvant dans cette escapade, comme le dit Nazon, une bonne occasion « de montrer que j'existais. Et puis, on ne sait jamais. Voyez Vasseur l’an dernier. Il y a cru jusqu' au bout, et c'est devenu un héros national ». Mais le fort vent contraire et le fait que Durand devienne un court instant Maillot Jaune virtuel allaient condamner la folle entreprise : « Sur le papier, c'était pratiquement impossible, explique le Mayennais. Si j'avais suivi la logique, je ne l’aurais pas fait. Mais j'ai

déjà gagné des courses contre toute logique. » Nazon, qui avait préféré lever le pied lorsque le peloton reprend les deux hommes, et qui franchit la ligne d'arrivée plus de quatre minutes après lui, semblait tout de même assez satistait : « Depuis le début je n'ai pas trop de chance dans les sprints. C'est mon deuxième Tour et j'apprends tous les jours. J'ai simplement voulu montrer qu j'étais aussi capable de faire autre chose.”
Quant à Jacky Durand, il promettait, bien sûr, de remettre ça : “ Je ne suis pas un suiveur, conclut-il. Je le serai quand j'aurai fini ma carrière comme pas mal d'anciens pros dans le Tour. Aujourd'hui, je suis un acteur.”
ll ne lui manque désormais plus que le bon scénario...
                                                                                                                                                                                                                  L'Equipe, 15/07/98    G
 
 
Ouest France, 16/07/98 Jacky Durand est décidément intenable. Certes, en compagnie de son complice Damien Nazon, le Mayennais a échoué après 137 kilomètres d'échappée. Mais les deux compères, à Cholet, ne regrettaient rien. Décidément Jacky Durand, en ce début de Tour, a des fourmis dans les jambes. Après son numéro de dimanche en Irlande, sur les contreforts des montagnes du Wicklow, l'attaquant numéro un de ce début de Tour a récidivé sur des routes qu'ils connaissaient parfaitement. «L'attaque ne faisait pas partie de la tactique élaborée en matinée. Il fallait d'abord songer à protéger le maillot jaune de Bo Hamburger. Mais les bonifications ayant été engrangées par O'Grady nous libéraient de toutes les consignes initiales. Ainsi j'étais en queue de peloton et j’ai cherché eux ou trois volontaires pour une aventure un peu folle. J'ai trouvé en la personne de Damien
 Nazon, que je connais bien, un bon samaritain. Et vogue la galère.” Il est ainsi Jacky Durand, parti dans cette escalade de la côte de Liré à la conquête d'une hypothétique toison. Damien Nazon dut se demander dans quelle virée l'entraînait le funambule mayennais ? " Je voulais montrer que j'existais, précisa le néo-résidant vendéen. Tout cela tombait bien puisqu'on arrivait à Cholet. Il aurait fallu que nous creusions l'écart jusqu'à cinq minutes pour y croire vraiment. Mais ensuite, le vent et les interminables lignes droites nous ont été fatales. D'autant plus que toutes les équipes de sprinters venaient d'accélérer le rythme."
Après avoir attaqué en Irlande, Jacky Durand s'en serait voulu de rester passif en France. Sur le Tour il est vraiment dans son jardin. “ J'ai gagné des courses en ne suivant pas la logique inhérente à la science du vélo. Et sur ces routes, par Blain et Ancenis, où l'ai fourbi mes premières armes de cycliste chez les amateurs j'ai rapidement trouvé tous mes repères. Mieux, le public ne s’y est pas trompé. Nous avons follement été soutenus, tous les deux, pendant notre escapade. C'est promis, avec ma forme actuelle, je recommencerai “. Cette image d'attaquant-baroudeur est aujourd'hui en pointe de la formation Casino. Et Vincent Lavenu, le patron de l'équipe, n'a pas hésité à titulariser son Mayennais cette année, alors qu'il l'avait écarté du Tour l'an passé. Jacky Durand a promis, juré, qu'il va recommencer. Le Tour raffole de ces spectaculaires récidivistes.
                                                                                                                                                                                    G

suite de 1998 : la victoire d'étape à Montauban
 
 
 


 
Le puncheur de Casino a passé une très mauvaise journée hier.
Distancé dans l'ascension du col de Rousset, il a un instant pensé abandonner
avant de s'accrocher pour terminer dans les délais. Parfois, les guerriers tremblent. Jacky Durand, héros d'entre les héros, figure de proue de la tribu des va-t-en-guerre, est retombé hier brusquement dans le monde des mortels, de ceux qui voient le peloton s'éloigner lentement, qui ouvrent leur maillot en grand en s'aspergeant d'eau et serrent très fort les dents pour rentrer dans les délais. « On n'est pas des robots, expliquait à l'arrivée, en souriant, le double champion de France. Un coup on est devant, un coup on est derrière. Moi, sur le Tour de France, j'ai toujours un jour sans. C'était aujourd'hui... » Pourtant, dès le kilomètre 23 d'une étape entamée sur des routes en fusion qui serpentaient au milieu des champs de lavande, c'était le Durand estampillé « attaquant » qui montrait leè
bout de son nez. Comme presque tous les jours depuis le départ de Dublin, le puncheur de Casino partait à l'abordage au mépris de toute logique et de tout calcul. Une offensive que le peloton matait à peine quatre kilomètres plus loin et que le Mayennais allait ensuite payer très cher : « Sur le coup, je me suis vraiment mis minable pour essayer de sortir, se souvient-il. Mais sans résultat. Et je n'ai jamais pu récupérer, jamais. C'était le début d'une vraie journée galère. » Un peu plus loin, dans la côte de Puy-Saint-Martin, alors que l'allure n'est pas encore très soutenue, Durand lâche prise pour la première fois : « Là, je me suis dit que la journée allait être longue, explique-t-il. Je ne me suis pas affolé et j'ai pu recoller dans la descente. 

Mais j'avais de plus en plus de mal à respirer. » Sur un parcours roulant, tout aurait alors pu se dérouler sans trop de casse. Mais le redoutable col de Rousset, avec ses 14 kilomètres d'ascension, se dressait sur la route du Mayennais. L'écueil de trop. « Dès le pied, j'ai lâché, raconte-t-il. Je voyais que je ne montais vraiment pas vite. Je pouvais parler avec tout le monde, mais je n'avais aucune force. Je n'arrivais plus à respirer. J'étais vraiment au bord de l'asphyxie. Mon effort me revenait en pleine gueule et je ne pouvais rien faire. Alors je me suis dit si ça continue comme ça, il faudra rentrer à la maison. »
Pourtant, dans les derniers hectomètres de l'ascension, Durand retrouve des raisons de se battre et de continuer d'exister dans ce Tour de France qui lui a déjà donné quelques-unes de ses plus grandes émotions de coursier : « En haut il y avait un monde fou, se souvient-il. Les gens m'ont porté. J'ai tout de suite roulé 5 km/h plus vite. J'ai réussi à relancer dans le tunnel et à me jeter dans la descente. C'est le Tour et on doit tout faire pour le finir. » Mais le porteur du dossard rouge de la combativité n'est pas au bout de ses peines. Le peloton est pointé près de cinq minutes devant lui. Il est seul et la descente est très sinueuse. « Il n'est pas bien du tout, explique alors Laurent Biondi, le directeur sportif adjoint de Casino, qui est resté à son chevet. Il est très fatigué. Pour l'instant, ça va, mais ça risque d'être dur parce que je ne vois pas, sur ce parcours, où il va pouvoir récupérer. » Durand erre maintenant sur la route comme un automate. Dans la traversée des villages, les gens le reconnaissent et scandent son nom. Il réclame très souvent sa voiture, boit abondamment et a surtout du mal à maintenir une trajectoire rectiligne. Les virages sont très glissants à cause du goudron qui, harcelé depuis le matin par les rayons du soleil, a fini par abdiquer. « J'ai failli tomber plusieurs fois et je me suis aperçu que j'avais crevé à l'arrière. Je n'en pouvais plus. C'était la totale. Tout me tombait dessus.» Alors qu'il change sa roue, Durand voit passer comme une fusée Peter Van Petegem, le Belge de TVM, qu'il avait lâché dans l'ascension du col. Inespéré. « Je me suis tout de suite fait très mal pour le rattraper parce qu'à deux c'est beaucoup plus simple. On a collaboré et puis, plus loin, on a rejoint trois de ses coéquipiers : De Jongh, Outschakov et Voskamp. Là, il n'y avait plus de problème. Je savais que le final n'était pas très dur. Alors je ne me suis pas mis dans le rouge parce que demain aujourd'hui il faudra toutes ses forces pour finir dans les temps. Mais c'est quand même une journée à oublier très vite. » Jacky Durand franchissait donc la ligne d'arrivée un peu plus de seize minutes après le vainqueur, sous les bravos d'une foule éperdument amoureuse de ce coureur qui, dans l'euphorie ou l'adversité, ne triche jamais. Il se tourna alors vers elle et la remercia, le poing levé. Quatre-vingts kilomètres plus tôt, en haut d'un col écrasé de soleil, c'était elle qui l'avait empêché, lui le guerrier, de déposer les armes.                                                     L'Equipe, 27/07/98

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