VICTOIRE  D'ETAPE  :
                                     TARBES  -  MONTAUBAN

Et la victoire au bout !                                                                                                       19 juillet 1998
Le film :

photos récupérées sur internet
 
L'Equipe, 20/07/98
L'ancien double champion de France s'était déjà imposé sous la canicule en 1994 à Cahors. Il a récidivé hier, dans les mêmes conditions, tout près de là, à Montauban. Et encore en guerrier. près la ligne d'arrivée, face au mur de spectateurs qui bouchaient la longue avenue du 10° Dragon de Montauban, l'artilleur Jacky Durand a fait une sorte de dérapage contrôlé sur son vélo pour s'écrouler, fou de bonheur, ivre de fatigue, sur le bitume en feu. Le Tour retrouvait enfin le sourire, ce sourire qui, même dans les moments de galère, quitte rarement le visage de l'ancien double champion de France (1993 et 1994). L'instant lui rappelait justement cette année 1994 et sa première victoire d'étape sur le Tour, obtenue à soixante kilomètres plus au nord, à Cahors, sous le maillot tricolore, et déjà sous une énorme canicule. Jacky Durand marche au soleil. Et, comme tout le monde, au moral. Le sien était au plus bas il y a un an quand Vincent Lavenu avait décidé de ne pas le sélec-tionner pour Ie Tour, lui l'ancien Maillot Jaune. «  Fin 1996, j'ai probablement commis l'erreur de faire un hiver complètement en dilettante et je suis arrivé chez Casino à la Jan Ullrich, avec entre dix et quinze kilos de trop, se souvient-il. Mais j'avais retrouvé de bonnes sensations avant le Tour et c'est vrai que, sur le moment, j'en avais voulu à Vincent. Quand on est écarté du Tour alors qu'on marche fort, ça fait mal. Moi, je suis de l'ancienne école, celle qui passe l'hiver à faire la fête avec les copains, et je tombais dans une équipe qui pratiquait des méthodes très différentes. Mais j'ai su me remettre en question. j'ai participé à beaucoup de stages l'hiver dernier. On a roulé, beaucoup trop roulé à mon goût, mais il fallait que je passe par là. Cette saison a été bien meilleure, même si une chute dans Paris-Roudaix a contrarié mes objectifs. Je me. suis toujours accroché en sachant que cela payerait un jour. Voilà, c'est aujourd'hui...  ». 
Et c'est plus que mérité. Jacky Durand porte en effet le dossard rouge du coureur le plus combatif de ce Tour de France. Il ne s'est presque jamais passé un jour depuis Dublin sans que le Mayennais installé en Limousin (à Saint-Laurent-sur-Gore) apparaisse dans les communiqués. A force d‘insister, les circonstances sont venues à son secours, mais c'est encore lui qui porta l'attaque déterminante au km 76), peu avant le sprint-bonification de Salviac, dans le Lot.
« Pendant une heure, cela avait été terrible, raconte-t-il. Au bout de quarante kilomètres, on n'avait déjà plus rien à boire. Je suis allé en queue de peloton chercher des bidons pour moi et les copains et, là, ce fut l'un des moments les plus durs de ma journée. Il m'a fallu remonter tout le peloton et, à partir de là, je suis resté devant. Je savais que la majorité du peloton allait craquer à un moment ou à un autre. Je voyais que beaucoup de coureurs n'avaient plus de bidon, moi j'en avais deux pleins et, dans ces conditions et sur ces routes, il ne pouvait que se passer quelque chose. A regarder le profil du guide officiel, cette étape était considérée comme plate. Or, je savais qu'elle serait difficile et que les équipes de sprinters auraient du mal à tout contrôler, que les Telekom n'allaient pas se mettre à la rupture sous cette chaleur pour garder le Maillot Jaune, à moins d'un gros coup de Trafalgar. »  Pourtant, face à Andrea Tafi, au duo des Cofidis ou à un trio (Sacchi, Mazzoleni, Laukka) prêt à bondir sur l'occasion, le 45° succès des Casino cette saison ne s'annonçait pas confortable : « Je redoutais surtout Philippe Gaumont qui était le plus rapide de nous tous, mais qui, heureusement, a dû beaucoup rouler pour que Desbiens prenne le Maillot Jaune. Dans une échappée comme cela, la tactique est plus d'attaquer dans les cinq derniers kilomètres pour arriver seul. En plus, moi, je ne suis pas un sprinter. Mais là, il était impossible de sortir. Premièrement, il y avait vent de face. Et, deuxièmement, il y avait Andrea Tafi qui était très, très fort. Trop fort certainement. Je crois qu'il se sentait invincible. Mais quand, au dernier kilomètre, Tafi a fait l'effort d'aller chercher le Saeco  Eddy Mazzoleni et qu'il a lancé le sprint aux trois cents mètres, là, je me suis dit : « tu ne peux pas être battu. » En ce jour du Seigneur, les coureurs français ont donc débarqué à point pour rendre un peu de ferveur à la messe de juillet : « On n'oubliera pas pour autant les Festina. Moi je les salue et j'aspire à les revoir rapidement. Mais, bon, la page est tournée. Il ne faut reparler que de vélo, et j'espère que, dans la presse, on va oublier un peu l'affaire Festina, enfin ! » Ce matin, Jacky Durand est troisième au classement général, à 43" de Laurent Desbiens qui fut, pendant trois ans, son coéquipier chez Castorama. Il ne se fait pourtant à terme aucune illusion à titre personnel : « Dans deux jours, pour moi, le Tour va faire une petite parenthèse. Je vais redevenir équipier. Il y a plusieurs grimpeurs chez nous, et je crois que Bo Hamburger fait peur à beaucoup de monde. »
                                                                                                                                                                                 G
L'Equipe, 20/07/98
Les lendemains de l'affaire Festina seront très douloureux, mais hier, entre Brive et Montauban, c'est sur la route que ça faisait mal, trés mal. C'était l'étape de la soif, et c'était donc le jour des braves.
Jacky Durand est le plus brave d'entre les braves. Il a déjà mené deux courageuses échappées depuis le départ, car il fut le premier attaquant de ce Tour dans l'étape de Dublin, il remit ça vers Cholet (avec Nazon) et ce n'est pas pour rien qu'il trimballe le dossard rouge du plus combatif, rien ne peut mieux coller au personnage. Mais c'est aussi un homme de métier. Il se doutait bien que le peloton allait bien finir par se révéler à un moment ou un autre, parce qu'il avait bien vu qu'il n'y avait plus une goutte à boire au fond des gourdes. Après une mise en jambes tranquille, voilà une heure déjà que le flot incessant des attaques roulait sans fin. Nous avions recensé quarante-trois coureurs différents -un quart du peloton- au sein des différents groupes qui cherchaient le break, impossible à cette allure. Alors, il a fallu insister, et insister encore. Il fallait aussi être costaud pour se maintenir en première ligne de la bataille. Jacky Durand est costaud. Laurent Desbiens aussi. Ce sont eux qui trouvèrent la faille après 76 kilomètres menés tambour battant, accompagnés de Frédéric Guesdon et aussi de Joona Laukka, un Finlandais qui se croyait sans doute au sauna.
Il fallut encore du temps pour creuser le trou, pas loin de dix bornes, c'est long à cette allure ! C'est que rien ne s'était arrêté derrière eux. Les contre-attaques fusaient toujours. Deux Italiens Mazzoleni, habitué à rouler pour Cipollini, et Sacchi, un gars de chez Polti, néophyte du Tour, s'y prirent.assez tôt pour opérer la jonction Mais derrière eux, quinze autres préféraient encore crever de soif plutôt que de laisser passer l'avant-dernière occasion avant les Pyrénées, et parmi eux, George Hincapie, encore un « Ricain » de l'US Postal, pouvait croire au Maillot Jaune. Il a longtemps effleuré ce bonheur toute la semaine, derrière Hamburger tout d'abord à Lorient (2 secondes) puis derrière O'Grady ensuite, jusqu'au contre-la-montre corrézien où il sut préserver une position relativement intéréssante (23e à 3'53"). Mais pour toucher son rêve, encore fallait-il que cette contre-attaque parvienne à rétablir le contact avec l'échappée, et ça, Jacky Durand, Laurent Desbiens, Frédéric Guesdon, Joona Laukka l'interdirent absolument. Les quinze en contre-attaque n'eurent pas le droit de s'approcher à moins de quarante-cinq secondes. Et c'est ainsi que les six de devant repoussèrent ceux qui les poursuivaient, pourtant deux fois et demie plus nom-breux ! Il faut dire que la conviction était bien partagée au sein de cette échappée, car elle faisait maintenant de Laurent Desbiens un Maillot Jaune de moins en moins virtuel au fil des bornes...
Car Jacky Durand avait vu juste. Le peloton n'avait pu résister davantage à l'envie d'étancher sa soif, et des mains se levèrent pour aller chercher les bidons aux voitures. Cette fois, le paquet laissait couler et l'on comprit vite que les Telekom de Jan Ullrich ne voyaient vraiment aucun inconvénient a céder provisoirement le Maillot Jaune à Laurent Desbiens, ça ferait toujours un jour de boulot en moins en prévision de la troisième semaine qui a laissé quelques souvenirs dans l'équipe allemande.
Mais dans l'échappée qui filait, il y aurait pour Desbiens deux nouvelles qui allaient provenir de l'arrière, une bonne et une mauvaise, par laquelle on commence ? La bonne, c'est que Philippe Gaumont, son copain de Cofidis, venait se joindre à l'échappée. La mauvaise ? C'est qu'il n'était pas seul. Andrea Tafi, le champion d'ltalie, la voulait tellement, son étape, qu'il avait trouvé l'incroyable énergie de larguer la contre-attaque, puis de boucher une minute à peu près dans les bosses du Quercy afin de venir se mêler à cette échappée dont Guesdon, lui, avait disparu sur ces entrefaits. Or, Tafi était susceptible de représenter une menace pour le Maillot Jaune promis à Desbiens. Mais il y avait aussi une étape à gagner, et une difficile, qui avait d’ailleurs été de trop pour l’Italien Pistore et le Colombien Rincon, premiers coureurs à parvenir hors délai. Cette étape, Taffi la voulait décidément trop, il emmena le sprint de trop loin mais au bout d’une journée pareille, Jacky Durand est un type qui a de la ressource comme il en avait eu, voici quatre ans, pour s’imposer en bleu-blanc-rouge pas très loin d'ici, à Cahors, et déjà dans un four. Jacky Durand, premier Français à gagner une étape dans ce Tour, a montré que ses attaques n'étaient pas faites seulement pour amuser la galerie. 
Mais il fallait bien le sourire du meilleur boute-en-train du peloton pour rendre sa bonne humeur au Tour de France !    G

Gazetta del Sporte, 20/07/98                            G
 

Jacky Durand, héros du Tour                          G
Absent du Tour l'an passé, le Mayennais Jacky Durand a pris une belle revanche cette année. Après avoir animé les premières étapes de la Grande Boucle, il a remporté l'étape de Montauban, devenant troisième au classement général. Ce Tour 98 restera marqué par l'affaire du dopage après l'exclusion des Festina. Jacky Durand donne son opinion sur le sujet.
 
 

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